logo

Traitement de l’usure Rôle fondamental du projet esthétique et fonctionnel

Koubi. S., Galip G., Massihi R., Margossian P., Tassery H.
L’INFORMATION DENTAIRE n° 31 – 17 septembre 2014

L’usure devient réelle pour les patients lorsqu’ils sourient (sourire peu visible, dents trop courtes), qu’ils mangent et se plaignent de douleurs ou de bourrages alimentaires. Ces motifs de consultation sont de plus en plus fréquents dans nos cabinets. Le traitement de l’usure est devenu un challenge pour le praticien, car il représente, dans le contexte de la dentisterie contemporaine, un défi majeur sur les plans esthétique, biologique et fonctionnel. La conjonction d’un nouveau sourire et d’une nouvelle occlusion augmente la difficulté. En effet, dans les deux cas, le recours à une approche a minima doit être préconisé en raison de ses avantages esthétiques, biologiques et biomécaniques. Si ces techniques se démocratisent petit à petit au sein des structures dentaires, leur mise en oeuvre demeure difficile. La construction d’un projet esthétique et fonctionnel représente un défi quotidien et sa bonne intrégration en bouche tracera la route vers le succès. L’objectif de cet article est de mettre en lumière le rôle capital de ce projet, qu’il soit esthétique et/ou fonctionnel. Une fois validé, il servira de GPS au praticien.

Trois grands chapitres vont être développés ici afin d’intégrer ces concepts modernes à la vie quotidienne du cabinet :
– les prérequis à la réalisation d’un projet esthétique et fonctionnel, c’est-à-dire les éléments et les informations à recueillir pour commencer la reconstruction esthétique et fonctionnelle ;
– la réalisation en bouche du projet et ses différents rôles ;
– la fabrication et l’assemblage des restaurations en guise de conclusion.

Les prérequis : analyse esthétique et établissement de la nouvelle DVO

L’analyse esthétique
Les objectifs de la dentisterie esthétique sont de créer des dents aux proportions agréables et un agencement dentaire en harmonie avec la gencive, les lèvres et le visage du patient. Le visage peut s’analyser au travers de lignes de référence horizontales et verticales. La ligne bi-pupillaire représente la ligne de référence horizontale majeure par rapport aux autres lignes horizontales : ophriaques et intercommissurales. Le plan sagittal médian représente quant à lui l’axe de symétrie vertical du visage et forme avec la référence horizontale un T dont le centrage et la perpendicularité favoriseront grandement la perception d’une harmonie faciale. Dans un visage harmonieux, le plan incisif est parallèle à la ligne bi-pupillaire et le milieu interincisif est perpendiculaire à cette ligne. L’erreur la plus fréquemment rencontrée en dentisterie esthétique est le non-alignement du plan incisif par rapport aux références horizontales et verticales [4]. Cela est en partie dû à la difficulté de communiquer au laboratoire les références esthétiques du visage.
L’utilisation d’un nouvel instrument, le Ditramax® [1, 2, 3] permet d’enregistrer les lignes de référence esthétique de la face et de les transférer directement sur le modèle en plâtre servant à la réalisation des prothèses. Cet outil peut s’utiliser aussi bien durant la phase de diagnostic, pour la réalisation d’un projet thérapeutique, que lors de la réalisation de dents provisoires, ou lors de la phase finale de réalisation des prothèses d’usage. Le prothésiste aura ainsi la sensation de travailler devant le patient et pourra optimiser l’intégration esthétique des prothèses dès la première réalisation. Cette procédure évite de multiplier les essayages cliniques chronophages servant à corriger les formes et les axes des dents prothétiques en céramique.

La communication des références esthétiques de la face au laboratoire de prothèse est un élément fondamental qui conditionne la réussite d’un cas esthétique. Il est primordial, pour toutes réhabilitations antérieures, de passer par une phase de diagnostic qui a pour but de relever les différentes digressions esthétiques du sourire. L’analyse des photographies faciales et buccales lors du sourire et du rire permet d’orienter le traitement, en indiquant par exemple l’éventuel recours aux thérapeutiques associées comme la chirurgie parodontale ou l’orthodontie.
Une fois les préparations réalisées et l’empreinte prise, le Ditramax® permet l’enregistrement et le transfert au laboratoire des plans de références esthétiques.

La photographie est une aide importante dans la communication avec le laboratoire. Elle renseigne en effet le céramiste sur la personnalité du patient (âge, sexe, type facial, couleur de peau…). Il est important, avant tout envoi au laboratoire, de réorienter et recadrer les photos de façon à ce que le plan sagittal médian du visage soit strictement vertical afin de ne pas tromper la perception optique du sourire. Toutefois, même si la photo des restaurations provisoires ou de l’essayage permet de voir l’inclinaison du plan incisif par rapport à la référence horizontale, il est impossible pour le prothésiste de la quantifier et donc de faire les ajustements adéquats.

La restauration prothétique des dents antérieures maxillaires représente, de par leur situation, un défi esthétique majeur. Le diagnostic esthétique est basé sur la mise en relation des dents avec la gencive, les lèvres et le visage du patient. Le système Ditramax® permet de projeter aisément la ligne bi-pupillaire – axe horizontal de référence esthétique – sur la zone buccale afin de relever les digressions esthétiques majeures et de pouvoir proposer un projet thérapeutique visant à retrouver une composition dentaire et gingivale harmonieuse d’apparence naturelle. En plus du diagnostic, la transmission au laboratoire de l’ensemble de ces plans de référence représente une réelle avancée technique et permet une réduction importante des erreurs d’agencement des dents.
Une projection fiable et reproductible du plan de Camper, de la ligne bi-pupillaire et du plan sagittal médian sur le modèle, au plus près de la zone de travail, facilite grandement le travail du prothésiste et assure ainsi une meilleure prévisibilité du résultat esthétique.
Le protocole photographique vient s’ajouter dans l’arsenal des outils de communication avec le laboratoire ; c’est pourquoi certains clichés sont primordiaux tels que :
– les photos du visage sourire forcé ;
– les photos de l’étage inférieur sourire forcé face et ¾ profils droit et gauche afin d’analyser la ligne du sourire ;
– les photos intrabuccales des 10 dents antérieures afin de disposer d’une vision globale.
Ces informations collectées, le prothésiste va pouvoir élaborer le wax up dans les meilleures conditions.

La nouvelle DVO dans les réhabilitations de dentures usées
Pourquoi l’usure est-elle devenue un sujet à la mode ? « L’usure est au carrefour des doléances classiques des patients, qu’elles soient esthétiques, fonctionnelles et biologiques. » L’usure est devenue d’année en année l’une des préoccupations majeures récurrentes chez les patients qui craignent la fracture ou même la perte de leurs dents : la diminution du nombre des caries a permis à l’érosion de gagner du terrain. À travers le monde, des centaines de revues, d’articles et de congrès abordent ce thème qui suscite un véritable engouement parmi les praticiens. Les médias évoquent régulièrement le sujet que bon nombre de confrères semblent méconnaître en proposant souvent des solutions « de façade » qui ne prennent absolument pas en compte les causes profondes du phénomène. Lorsque cette usure s’intensifie de façon anormale, l’esthétique se trouve fortement altérée : perte de fragments des tissus durs de la dent dans le processus initial qui entraîne des modifications morphologiques dentaires, des troubles fonctionnels, des troubles sensoriels – hypersensibilités –, des rétentions alimentaires au niveau des zones cervicales et au niveau interdentaire à la suite de l’effondrement des crêtes marginales.

Tout praticien dento-conscient se doit d’identifier ces altérations structurelles, mais surtout leurs étiologies afin de freiner leur développement, d’éviter les récidives et d’améliorer le pronostic des traitements envisagés. Le diagnostic différentiel des différentes altérations des tissus dentaires doit être clairement établi avant d’entreprendre tout traitement de restauration.

Une augmentation très nette de la fréquence de ce type de lésions au sein des populations jeunes, l’accentuation du stress et des parafonctions, la surconsommation de sodas, les troubles du comportement alimentaire, l’environnement médiatique constituent autant de facteurs propices à exacerber le phénomène. Le praticien doit relever le challenge, à savoir traiter des patients jeunes et moins jeunes de la manière la plus minimaliste possible afin de ne pas compromettre le devenir de la dent.

L’analyse clinique (fig. 1 à 6) dans les cas d’usure doit permettre, à l’aide de moyens simples, de repositionner les futurs bords libres des deux incisives centrales par ajout de composites à main levée afin de communiquer au laboratoire le repère le plus précieux pour la construction du nouveau sourire par le biais du wax up. Pour cela, une empreinte des nouvelles proportions est réalisée ainsi que son antagoniste. Une fois les bases esthétiques posées, il est primordial de créer les conditions fonctionnelles nécessaires au rallongement du bloc incisivo-canin afin d’assurer la pérennité des futures restaurations.
Pour cela, le recours à l’augmentation de la DVO est l’une des options les plus répandues. Afin de quantifier le besoin de l’augmentation, on reconstruit, avec le même procédé que pour les bords libres, les faces palatines des incisives centrales. Plus l’usure est avancée, plus l’apport sera important.
On vérifie alors la simultanéité des contacts des deux incisives puis l’espace créé sur les dents adjacentes avec leurs antagonistes pour éviter des reconstructions trop volumineuses toujours déplaisantes pour le patient (fig. 7).

Le patient n’est pas manipulé et ferme plusieurs fois de manière à vérifier son bon positionnement. L’espace créé entre les deux arcades est alors vérifié. Il doit correspondre à l’épaisseur de la pièce souhaitée. Chez la majorité des patients présentant une usure marquée, il est rare de noter une dysharmonie faciale, en raison d’une égression compensatrice des process alvéolaires supports des dents usées.

L’augmentation de la DVO est presque exclusivement motivée par la biologie. En effet, l’espace ainsi créé se substitut à la réduction tissulaire. Le troisième élément indispensable à la communication avec le laboratoire est l’enregistrement des références
esthétiques du visage (ligne bi-pupillaire et axe médian) afin de les retranscrire sur le modèle de travail. Pour cela, le dispositif ditramax® est utilisé. Ainsi, les possibilités d’erreurs lors de la construction de la nouvelle ligne du sourire sont quasiment nulles. Des retouches importantes en bouche, au stade du mock up, sont toujours désagréables pour le praticien et le patient, et sont donc réduites à leur plus simple expression grâce à ce type d’enregistrement.

Le projet esthétique : 3 rôles

Validation sur le plan esthétique et fonctionnel par le patient
Le nouveau sourire
Comme dans la majorité des disciplines médicales, le chirurgien-dentiste va être perçu comme un chirurgien esthétique avec la notion d’obligation de résultat. Le transfert du projet en bouche va donc permettre au patient de visualiser directement, en situation, l’aspect (forme, volume) des nouvelles dents et d’apprécier les nouveaux rapports avec les tissus environnants (visage, lèvres, langue et joues) pendant la dynamique labiale (repos, sourire, rire, phonation) [4, 5].
Pour sa réalisation, on utilise successivement :
– une cire de diagnostic réalisée en fonction de l’enregistrement précédent et des lignes dessinées sur le modèle (référence horizontale et verticale) qui traduit morphologiquement les objectifs fixés lors de l’analyse esthétique (modification de forme, de position, fermeture de diastèmes…) (fig. 8) ;
– une clé en silicone pour transférer le projet, issue du wax up. Elle englobe au moins deux dents de chaque côté (non intéressées par le projet), afin de faciliter son repositionnement. Une résine fluide injectable chémopolymérisable « bis GMA » (Luxatemp Star, DMG) possédant des propriétés optiques, suffisamment translucide, sera injectée à l’intérieur de la clé silicone avant son repositionnement en bouche. Une fois la polymérisation de la résine achevée (environ 2 minutes), la clé est retirée. La majorité des excès se concentrent au niveau du vestibule muqueux et de la zone palatine. Ils devront être éliminés délicatement afin de ne pas perturber l’apparence des tissus mous et la phonation (soulèvement ou gonflement de la lèvre, modification de certains phonèmes en cas d’excès palatin). À ce stade, le patient peut se présenter face à un miroir afin de visualiser le projet esthétique. Cette étape de transfert du projet morphofonctionnel, grâce au « masque », est essentielle et doit aboutir à la validation par le patient et le praticien (fig. 9 et 10).

La nouvelle occlusion
Classiquement, on faisait appel à une clé en silicone complète incluant une surface palatine la plus large possible pour la stabilisation. Cependant, il n’existe pas de butée d’enfoncement précise lors de l’insertion de la clé en silicone en raison de la totalité des dents concernées par la réhabilitation. Récemment, l’apport du digital a simplifié de manière significative cette dernière étape. En effet, le wax up est scanné afin de disposer d’une empreinte 3D. Une fois scanné, un logiciel permet d’apposer une couche d’épaisseur calibrée sur le nouveau relief occlusal comme si l’on positionnait virtuellement une gouttière. Celle-ci est ensuite fabriquée par une imprimante 3D puis rebasée à l’aide d’un silicone light afin d’optimiser la friction et la précision de la gouttière lors de son insertion en bouche (fig. 11 à 13).
Cette gouttière en résine rigide est alors essayée en bouche puis remplie par une résine bis GMA fluide afin d’être placée en bouche (fig. 8). Son insertion est simple, précise. L’occlusion est alors vérifiée afin de valider l’intégration fonctionnelle du mock up. Ce dernier préfigure de manière très précise la nouvelle occlusion dans la nouvelle DVO ainsi que la ligne du sourire (fig. 9). Ainsi, le wax up est transféré de manière précise en bouche.

Guidage des préparations : une nécessité pour le praticien

L’idée directrice est d’utiliser le mock up esthétique et fonctionnel comme un guide de préparation aussi bien pour les facettes vestibulaires que pour les table tops occlusaux postérieurs (fig. 14, 15a et b). Deux questions majeures se posent alors :
– quelle profondeur de préparations pour nos restaurations postérieures ?
– quelles formes de préparation ?
Dans les réhabilitations de denture usée, il est important de souligner le caractère novateur des préparations en raison de leur approche moderne. La reconstruction est souvent additive et l’espace existant entre le volume initial et le volume final est déjà existant.

Les préparations antérieures
Toujours soucieux de réduire l’extension de nos préparations ainsi que le coût biologique [12], différentes techniques ont été proposées. Les préparations pour facettes vestibulaires sont aujourd’hui parfaitement codifiées ; en effet, elles font appel à l’utilisation d’un mock up qui sert de guide de préparation. Ainsi, la fraise dont le calibrage est connu peut pénétrer à travers le mock up afin de créer l’espace nécessaire pour la future restauration et garantir la réduction tissulaire nécessaire (fig. 16) [4-9]. Cette technique, proposée au début des années 2000 [4, 5], a connu un grand succès en raison de sa pédagogie et a ouvert une nouvelle voie dans la démocratisation des facettes en céramique. Dans le cas clinique présent, une variante de cette approche moderne a été utilisée afin d’optimiser la réduction tissulaire au niveau du secteur postérieur. En effet, aujourd’hui, les techniques de pénétrations contrôlées à partir d’un mock up sont parfaitement maîtrisées dans le secteur antérieur.

Les préparations postérieures
Quelle profondeur de pénétration ?
Il a été proposé d’utiliser la méthode des préparations à partir du mock up antérieur pour l’adapter aux préparations postérieures. En effet, une fois le mock up réalisé en bouche, stabilisé puis validé, il semble plus opportun de le maintenir en place au stade des préparations afin de réaliser une réduction homothétique à ce dernier en utilisant une fraise boule de diamètre connu et placée à l’horizontale de manière à bénéficier d’une butée d’enfoncement par l’intermédiaire de son mandrin.
Ainsi, différentes rainures (au nombre de 3) doivent être réalisées (versant interne de la cuspide vestibulaire, sillon central, versant interne cuspide palatine) (fig. 16a à c, 17a et b, 18).
Ainsi, le clinicien dispose de l’information la plus précieuse afin d’éviter toute surpréparation. Lors de la réalisation de ces rainures, il est important de ne pas empiéter sur les régions proximales afin d’optimiser les préparations sur le plan biologique et biomécanique [10-14].
Une fois la question de la profondeur de pénétration réglée, se pose celle de la forme de préparation.
Cette dernière demeure beaucoup plus simple dans sa réponse en raison du seul impératif de lecture des limites et de stabilisation de la pièce lors du collage. Si les formes de préparations pour facettes sont codifiées depuis de nombreuses années dans le secteur antérieur, quelques approfondissements doivent être apportés sur les formes de préparations dans la région postérieure lors de la réalisation de facettes occlusales appelées aussi table tops.

Quelles formes de préparations pour les restaurations postérieures ?
Il faut préciser qu’étant donné la faible épaisseur des préparations, celles-ci peuvent être réalisées dans une majorité de cas sans pratiquer d’anesthésie.
Les restaurations partielles collées ont vocation à protéger la dent, mais aussi à recréer l’anatomie occlusale initiale qui autorisera l’augmentation de la DVO.
Pour y parvenir, plusieurs options thérapeutiques ont été proposées au cours des années.
Initialement, la couronne périphérique fut pendant longtemps la solution de choix pour remplir ce cahier des charges ; ne répondant plus aux impératifs biologiques modernes, cette solution est aujourd’hui rarement retenue.
Les overlays en céramique ou en composite de laboratoire ont été proposés ces dernières années et présentaient l’avantage d’une moindre mutilation tissulaire avec des limites périphériques très simples et bien audessus de la JEC des marges habituelles. Cependant, ils présentaient et continuent de présenter un inconvénient majeur, à savoir la destruction des crêtes proximales afin d’assurer l’assise mécanique et de respecter les recommandations des fabricants. Des épaisseurs importantes de réduction de l’ordre de 1 à 1,5 mm étaient requises. Malgré le strict respect de ces dernières, il a été observé sur des suivis à moyen et long terme des fractures de cosmétique ou de matériau dans la région proximale (chiping). L’avènement des technologies CAD CAM ou des techniques de céramique pressée a sensiblement modifié ces carences mécaniques en raison d’une plus grande densité du matériau (fraisage à partir d’un bloc de céramique ou de composite) et du recours à un simple maquillage de surface.

Afin de mieux coller aux réalités biologiques et de respecter encore plus les structures résiduelles, il devient possible de réaliser des préparations a minima dont le but est d’obtenir :
– une préservation des crêtes proximales quand cellesci sont présentes (une grande majorité de cas) ;
– une diminution des épaisseurs de réduction (0,5- 0,8 mm) en raison d’une moindre sollicitation des restaurations (absence de tension au niveau proximal).
En effet, de par la persistance de l’architecture proximale, les crêtes continuent de jouer pleinement leur rôle mécanique. Les restaurations ultrafines à distance des crêtes se retrouvent donc à travailler uniquement en compression, ce qui est très bien toléré par les deux familles de matériaux (composite ou céramique) (fig. 19 à 22).
Les formes de ces préparations ultraconservatrices peuvent se caractériser de la manière suivante :
– délimitation d’un rectangle dans la face occlusale à l’aide d’une fraise boule bague verte (coffret Komet LD0717) et rouge entre les fossettes proximales à 1 à 3 mm sous les sommets cuspidiens en fonction du délabrement. Dans tous les cas, la préparation devra toujours être à distance des sommets cuspidiens (en retrait) ou les englober si l’usure est plus importante. Les limites doivent être à distance des impacts occlusaux afin d’assurer la pérennité du joint. L’utilisation d’une fraise boule bague verte et rouge semble être une solution intéressante pour réaliser un angle net cavosuperficiel de 90° pour la pérennité du joint. Les concepts de préparation type « prepless » doivent être évités en raison de la nature de la ligne de finition entre la surface occlusale de la dent et la restauration. Le biseau ainsi créé n’aurait pas vocation à assurer la résistance mécanique nécessaire face aux impacts et aux charges occlusales (chiping, délitement, coloration). Il est donc impératif de réaliser une trace nette ;
– réduction et homogénéisation des différentes gorges si elles sont présentes à l’aide d’une fraise à inlay ;
– inclusion des cuspides palatines lorsqu’elles sont elles-mêmes érodées par l’usure pour amorcer un retour en palatin, et ce toujours dans le but “d’asseoir” la restauration dans un “cadre” stable.
Dans le cas de lésions multiples (palatines et/ou vestibulaires) associées à une usure occlusale, sur les prémolaires et molaires, il faudra réaliser deux pièces distinctes en prenant soin de laisser une « bande d’émail » entre elles, cette poutre faisant office de « résistance » qui raccorde les deux crêtes proximales et sert de soutien aussi bien à la restauration occlusale que vestibulaire, permettant ainsi d’assurer la solidité de la dent. Ainsi, le praticien se retrouve à recourir à la technique « sandwich » décrite au niveau antérieur (facette palatine et vestibulaire) dans le secteur postérieur. Les prémolaires sont reconstruites par addition d’une facette vestibulaire et d’un inlay occlusal afin de restituer le volume initial de la dent. Ainsi, le gain biologique est très sensible, notamment dans la région proximale et palatine.
Lorsque la sévérité des lésions est plus importante, on procède à des pièces plus enveloppantes reposant toujours sur l’anatomie proximale existante, mais où les faces occlusale et vestibulaire ne font plus qu’une pièce unique au lieu d’un sandwich (fig. 18).

Les 3 types de table top (fig. 23)
– Table top intra cuspidien
– Table top cuspidien
– Table top occluso vestibulaires : veneerlay

Temporisation
Que ce soit dans un but cosmétique ou fonctionnel, l’étape de la temporisation doit être simple, rapide pour s’inscrire dans un protocole clinique prévisible et reproductible.
Le même matériel (clé en silicone et résine bis GMA) sera utilisé pour la réalisation des provisoires. Le procédé est identique à celui réalisé lors du projet esthétique, la différence résultant au niveau de la situation dentaire (dents préparées avec de l’adhésif photopolymérisé mais sans mordançage préalable). Ainsi, les provisoires ne sont plus retirés après la prise, mais finis directement en bouche. Après ajustage des restaurations provisoires et contrôle de leur adaptation occlusofonctionnelle, les impacts statiques en OIM et les trajets de propulsion et latéralité sont matérialisés en bouche à l’aide d’un papier marqueur sur les provisoires. Le volume disponible peut être alors quantifié à l’aide d’un compas d’épaisseur par lecture directe au niveau des zones d’occlusion.

Fabrication et mise en place des restaurations

« Fraiser et maquiller ou presser et maquiller »
La technologie CAD CAM et les différents blocs à disposition permettent aujourd’hui de remplir le cahier des charges de nos restaurations.
Nous assistons à une simplification des procédures de laboratoire avec une disparition de la stratification et un remplacement par un maquillage de surface sur les restaurations issues des blocs fraisés qui donne d’excellents résultats dans le secteur postérieur, et des résultats prometteurs dans le secteur antérieur. Aussi, les restaurations voient leur résistance mécanique renforcée après collage et le risque de chipping sensiblement diminué. On peut ainsi combiner dans le cas de sandwich un bloc nanocéramique (Lava Ultimate, 3M ESPE) dans les régions fonctionnelles pour préserver l’émail antagoniste et des blocs cosmétiques en disilicate de lithium (e.max CAD, Ivoclar Vivadent) pour optimiser l’intégration esthétique (fig. 24 à 27).

Collage des restaurations [15] Les restaurations sont essayées dans un premier temps :
– essayage mécanique en vérifiant la précision d’adaptation des pièces ;
– essayage optique : intégration colorimétrique à l’aide d’une pâte d’essai (Vitique veneer, DMG ; variolink veneer, Ivoclar Vivadent ; Enamel Hri flow Dentin, Mycerium).
Les sandwichs (facettes vestibulaires et palatines) sont collés simultanément, mais dent par dent. Les table tops sont collés également selon le procédé de la digue individuelle (fig. 28a et b à 38).

Conclusion

Les facettes en céramique ou plutôt les restaurations adhésives en céramique sont aujourd’hui l’outil moderne de la reconstruction de l’organe dentaire [16] en raison de plusieurs avantages indéniables :
– biologiques (préservation tissulaire maximale) ;
– biomécaniques (restitution de la biomimétique de la dent originelle) ;
– esthétiques (pouvoir mimétique de la céramique collée).
Les facettes, qu’elles soient en céramique, en nanocéramique, en composite, à visée cosmétique ou fonctionnelle, ne sont que l’expression d’un projet esquissé au départ du traitement dont le rôle est primordial. En effet, c’est bien au stade de son élaboration que tout le traitement va se jouer. Une fois celui-ci validé esthétiquement et fonctionnellement, il sera utilisé précieusement comme un GPS afin d’être converti en traitement final.

L’auteur souhaiterait associer le groupe Style italiano dont l’objectif est de développer sans cesse des techniques accessibles, reproductibles et donc réalisables par le plus grand nombre.

Un remerciement particulier à Gerald Ubassy pour son implication et son talent dans la réalisation au laboratoire de ce cas clinique.

Spécialisé en Implantologie, prothèse implantaire, greffes osseuses et greffes gingivales, le Docteur Patrice Margossian est installé comme Chirurgien dentiste à Marseille, sur l’avenue du Prado.

  • Partager