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« Esthétique dentaire et implantaire : une stratégie prothétique guidée »

P. Margossian
COEFI
Paris, 31 mars 2011

Comment arriver à des réhabilitations esthétiques simples, fiables et efficaces ?

Docteur Patrice MARGOSSIAN

propos recueillis par Dr Adriana AGACHI – Diplôme Universitaire de Journalisme Médical

Ce fut un moment spécial dans le paysage des soirées COEFI. Premièrement parce que nous avons assisté en direct à la signature du partenariat entre le COEFI et l’OSE, et à la remise, par le trésorier du COEFI, le Dr. Dov SEKNAZY, d’une donation de la part du COEFI à cette association qui œuvre sans cesse pour les plus démunis en France. C’est le président fondateur du COEFI, le Dr. Georges LUMBROSO, qui a œuvré derrière les coulisses afin de mettre en place ce partenariat. Pour les lecteurs qui ne seraient pas au courant, l’OSE dispense des soins dentaires dans le 12ème arrondissement, en plus de mener une action de prévention dans les écoles de la capitale.

Comme vous le savez sans doute depuis longtemps, la totalité des revenus du COEFI est donnée à des associations caritatives. Pour utiliser les mots du président actuel du COEFI, le Dr. Julien KOSKAS : « Nous convertissons votre envie de vous former en don pour les plus nécessiteux ».

Pour nous souvenir, un bref rappel des actions COEFI en faveur des enfants :

• Le service dentaire pour les enfants à l’Hôpital de Soroka
• Le centre pour l’enfance Yedid Layeled
• L’aide aux orphelins en Haïti.

Deuxièmement, ce fut une soirée spéciale parce que le COEFI et ses participants ont eu le plaisir de découvrir le Dr. Patrice MARGOSSIAN, qui est Maître de Conférences dans le DU d’Esthétique de l’Université de Marseille. Il a également inventé le dispositif Ditramax.

Nous avons eu la chance d’écouter un très bon orateur, chose pas si commune dans la science d’aujourd’hui. L’audience a amplement apprécié son sens de l’humour. Mais surtout, nous avons profité de son expérience dans le domaine des réalisations esthétiques, et notamment des réhabilitations antérieures.

Il a discuté point par point les critères esthétiques à prendre en compte dans une restauration antérieure. Au niveau des implants, nous connaissons tous déjà les règles d’or du positionnement de l’implant, mais le Dr Patrice MARGOSSIAN nous a exposé les leçons tirées de son expérience pratique et académique.

Si ses concepts ont ébranlés un peu nos connaissances à ce sujet, il les a argumentés avec une logique indéniable et de nombreux exemples. Par exemple, il utilise la connexion externe, et il ne fait pas souvent ou pas du tout le mise en charge immédiate dans le sec ou le platform switching. Décidemment, l’école marseillaise n’a pas finit de nous étonner !

Qu’on parle d’esthétique autour des dents, ou autour des implants, l’objectif reste le même. A chaque fois que nous parlons d’esthétique avec un patient, nous rentrons dans une dimension psychologique : toucher au sourire change son image face à lui-même, et face aux autres.

Dans le livre Esthetics of anterior fixed prosthodontics (Chiche et Pinault, 1994) nous trouvons un objectif idéal qu’il faut respecter : « Créer des dents aux proportions agréables. Créer un agencement dentaire en harmonie avec la gencive, les lèvres et le visage du patient ». (1)

Spécialisé en Implantologie, prothèse implantaire, greffes osseuses et greffes gingivales, le Docteur Patrice Margossian est installé comme Chirurgien dentiste à Marseille, sur l’avenue du Prado.

Quand un patient se présente avec une demande en ce qui concerne les dents antérieures, il faut tout d’abord effectuer une analyse faciale en regardant le visage.

80% du cahier de charges de la dentisterie esthétique moderne est basé sur les rapports entre 2 lignes : le plan sagittal médian, et la ligne bipupillaire

• plan incisive parallèle à la ligne bipupillaire ;
• ligne inter-incisive perpendiculaire à la ligne bipupillaire ou parallèle au plan sagittal médian.

Le reste des lignes et de repères restent des annexes qui représentent les autres 20% du succès esthétique.

Après avoir regardé le visage en ensemble il faut se concentrer sur les lèvres, leur forme, le filtrum, et faire une étude de la dynamique labiale quand le patient parle ; pas allongé au fauteuil, mais dans une situation normale de la vie courante, par exemple assis au bureau, en face de nous.

Nous rencontrons 3 cas de figure : Etude Tjan AH, Miller GD, Some esthetic factors in a smile . J Prosth Dent 1994 ; 51 : 24-28

• 20% de sourires non gingivaux
• 70% des cas découvrent 2-3 mm de gencives
• 10% de sourires gingivaux. Ce sont les plus complexes à gérer, parce qu’il faut gérer à la fois les dents et les gencives.

Check list d’analyse d’esthétique du Prof Urs BELSER (2) :

Axe de symétrie
Niveau gingival
Position des bords libres
Axe des dents
Embrasure gingivale
Points de contact
Embrasure incisive
Ligne incisive
Couleur et texture
Ligne lèvre inférieure

Le White Score défini par le Pr Urs BELSER, et le Pink Score décrit par le Dr FURHAUSER, représentent la même chose. La seule différence, est que l’un parle de dents et le deuxième de gencives. (3)

Evaluation de la demande esthétique : Il faut impérativement diagnostiquer ces éléments dès les 2 premiers rendez-vous, afin de pouvoir établir un projet thérapeutique fiable, esthétique, et reproductible. Dans ce domaine nous avons une obligation de résultat, et le patient est un juge intraitable.

C’est très compliqué pour le chirurgien dentiste de faire une incisive centrale, mais ça l’est encore beaucoup plus compliqué et difficile pour le laboratoire.

Les lignes de transition séparent les faces des dents, permettent de leur donner différentes formes. Ainsi, il est possible de jouer sur les illusions optiques :

• Convergentes vers le haut, arrive à des dents triangulaires ;
• Arciformes, donne des dents ovoïdes ;
• Très parallèles, donne des dents carrées.

Connaître les proportions des dents, le rapport longueur largeur, va aider à trouver les bonnes dimensions : Incisive centrale 80% en moyenne, incisive latérale 77%, et canine 79%.

1. Les caractérisations d’une dent :

• Mamelons ;
• zones de transparence et d’opalescence. La fluorescence est la capacité d’une dent d’emmagasiner et de produire de la lumière par elle-même. Elle donne la notion de vitalité, parce que la dentine naturelle est très fluorescente. L’opalescence est liée à l’email, donc les effets bleuté ou ambré signifient que la lumière est soit transmise, soit reflétée ;
• l’état de surface de l’émail, qui est différent d’un patient à l’autre et différent au cours de la vie :
Macrotexture : grandes stries verticales qui vont donner l’illusion de longueur, ou horizontales pour élargir les dents ;
Microtexture : quand elle est satinée on aura la sensation d’une dent qui se voit moins, et quand elle est glacée d’une dent très présente.

Les outils de communication :

1. Appareil photo. Bien entendu il faut communiquer les belles et surtout prendre de bonnes photos (taille, éclairage, netteté, etc).
La photographie aide à analyser, à enregistrer et à transmettre au laboratoire. Rapport de ce qu’on voie nous au cabinet et de ce qu’il voit le prothésiste quand il regarde juste un modèle de travail.
La plupart des dentistes se focalisent sur la couleur, mais le paramètre le plus important ce n’est pas la couleur mais la forme et le positionnement des lignes de transition.
2. L’utilisation des articulateurs et des arcs faciaux est importante. Mais malheureusement, seulement 2% des praticiens les utilisent !

La photographie présente plusieurs avantages :

Tout d’abord pour le patient : compréhension du plan de traitement, visualisation de l’évolution et des résultats. Pour le praticien c’est une aide au diagnostic et à la réflexion.Et pour le laboratoire, le céramiste peut visualiser les teintes et les autres effets optiques. La visualisation du visage du patient est inestimable car elle humanise le modèle de travail.

De plus, les annotations du chirurgien dentiste sont plus faciles (des corrections avec un marker) sur une photo imprimée pour envoyer au laboratoire.

Le positionnement du modèle du maxillaire supérieur se fait avec un arc facial.

FRADEANI décrit, dans le livre Réhabilitation esthétique en prothèse fixée, que « en plus de 50% des cas il n’y a pas de rapport entre le plan de francfort et la ligne bipulaire ». (4)Il présente donc la technique de l’arc facial modifié : aligner l’arc facial en fonction de ligne bipupillaire.
Mais il s’avère que ce n’est pas une bonne méthode non plus, parce que l’appui muqueux n’est pas reproductible, et en plus l’occlusion n’est pas fonctionnelle.

Il ne faut pas confondre la fonction et l’esthétique : l’articulateur et l’arc facial sont des outils fonctionnels, pour régler l’occlusion. Le Ditramax® par contre est dévolu exclusivement à la transmission de données esthétiques :

« Destiné aux Chirurgiens dentistes et aux Orthodontistes dans le cadre de réhabilitations esthétiques du sourire, le Ditramax® est le 1er dispositif de transfert au laboratoire des données esthétiques du patient. Il est particulièrement indiqué dans les restaurations antérieures maxillaires et les réhabilitations de grande étendue.

Facile et rapide d’utilisation, le Ditramax® permet au praticien de relever sur son patient les 3 principaux axes de référence esthétique (ligne bi-pupillaire, plan sagittal médian et plan de Camper), puis de les transférer sur le modèle de travail de manière précise et reproductible. Le prothétiste dispose donc ainsi pour la 1ère fois, au plus près de sa zone de travail, des éléments indispensables à une reconstruction esthétique parfaitement intégrée. » (5,6,7)

En conclusion :

Il faut apprendre à regarder le visage et pas seulement les dents, et il faut avoir essentiellement une démarche de raisonnement.

La première séance il faut écouter le patient, le laisser parler, prendre des photos du visage, des photos des dents, prendre les empreintes pour réaliser des modèles d’étude, et faire des radiographies.

La deuxième partie a été destinée exclusivement aux implants dans la zone esthétique.

La problématique particulière aux implants reste toujours la prothèse implantaire. Qu’il s’agisse de dents ou d’implants, il faut partir d’un projet thérapeutique, réfléchir à la future position des dents, faire un guide radiologique et/ou un guide chirurgical, ainsi qu’un aménagement osseux si nécessaire, implanter, faire l’aménagement gingival, le pilier et la couronne, ou bien les deux ensemble pour un monobloc.

La chose la plus importante dans cette équation est la position de l’implant. Même si le meilleur dentiste qu’il y ait réalise la prothèse, il ne pourra pas rattraper l’esthétique si l’implant est mal posé.

Le positionnement de l’implant dans le livre du Dr Franck RENOUARD montre clairement la différence de pensée entre l’attitude chirurgicale et l’attitude prothètique. (8)

On caractérise la position d’un implant par :

• son point d’impact ;
• son axe ;
• son enfouissement.

1. Le point d’impact doit respecter certaines règles dans le sens mésio-distal, ainsi que dans le sens vestibulo-lingual.
Pour une incisive centrale ainsi que du point de vue chirurgical, la meilleure position dans le sens mésio-distal est le milieu de la distance entre les deux racines. Mais d’un point de vue prothétique, pour une réalisation esthétique, la meilleure position est le milieu de l’espace prothétique entre 2 dents, donc entre les points de contact des dents voisines, et ceci parce que la morphologie mésiale d’une incisive centrale n’est pas la même que la morphologie distale.

Dans le sens vestibulo-linguale, du point de vue de l’esthétique, l’implant doit avoir un point d’impact palatin, et ensuite il faut redresser l’axe. Il faut faire attention au moment du forage car le corticale linguale est dure.

2. Il est plus facile de décider de l’axe sur le scanner que de le garder pendant la chirurgie. L’angulation de l’axe implantaire pour une incisive centrale est ainsi très importante pour celui qui réalise la prothèse. Un bon positionnement de point de vue prothétique représente une prise de risque pour le chirurgien en vestibulaire et en apicale Un implant dans un axe vestibulaire implique une perte de gencive en vestibulaire.

3. Toutes les publications s’accordent au sujet de l’enfouissement de 4mm sous le rebord gingival.

Un autre élément capital est la zone transgingivale. Quelle forme donner au pilier transgingival ?

• droite ;
• concave ;
• ou bien convexe ?

Le Dr Patrice MARGOSSIAN nous a exposé les arguments pour lesquels il a choisi

• une forme concave en vestibulaire ;
• et une forme droite en vue proximale et palatine.

Créer une concavité en vestibulaire, en plus de l’espace créé par l’implant positionné en palatin, va nous permettre de maintenir les tissus.
Les concavités en proximal et en palatin sont à proscrire, en particulier si nous choisissons la technique avec 2 éléments scellés (pilier et couronne). Il est très difficile de retirer le ciment en proximal.

Il faut créer la concavité sous le rebord gingival pour ménager la place pour le conjonctif. Si nécessaire, il faut greffer du conjonctif.

Un des aspects les plus compliqués est de gérer les tissus mous, et de faire pousser les papilles entre 2 implants. Il est beaucoup plus aisé au niveau des intermédiaires, donc il est capital de mettre moins d’implants que le nombre de dents à remplacer.

Dans le but de créer des papilles il faut créer une compression pour avoir une hyperplasie gingivale. étude 2010

Une erreur d’axe empêchera la création d’une concavité vestibulaire, donc il y aura une surpression du pilier en vestibulaire, qui va entraîner une récession à un an ou plus. Et donc l’influence de l’enfouissement : plus l’implant est enfoui, plus l’erreur d’axe aura de conséquences sur la prothèse.

Stratégie prothétique

Le monobloc transvissé est le gold standard d’aujourd’hui.

Si l’axe implantaire le permet (donc le puits du monobloc sort au niveau du cingulum), il faut faire du monobloc.

De point de vue esthétique la zircone permet la transmission de la lumière à une très bonne sécurité de résistance à la flexion (1200MPa). Elle est également biocompatible. Toutes les céramiques sont biocompatibles. Et les études in vivo montrent qu’il y a moins de plaque sur les CCM que sur les dents naturelles.

Stratégie chirurgicale

Préserver : Lors de l’extraction, il faut préserver au maximum les tissus, reconstruire dans tous les cas l’alvéole avec des biomatériaux, et suturer. Les études ont montré que sans rien faire le diamètre vestibulo-linguale de l’alvéole va décroitre de 50% en 4 mois.

Reconstruire : L’objectif des greffes osseuses

• recréer le volume osseux alvéolaire résorbé afin de le rendre implantable pour les crêtes alvéolaires de hauteur inférieure à 9mm et largeur inférieure à 6mm ;
• permettre une meilleure adéquation entre le projet thérapeutique et le volume osseux implantable.

La temporisation se fait toujours sans appui sur les tissus, donc un bridge temporaire fixé avec ailette orthodontique est la solution retenue par le Dr. Patrice MARGOSSIAN.

Qu’en est-il de l’extraction et implantation immédiate ?

Les études montrent que dans seulement 30% des cas réalisés en technique d’extraction implantation immédiate l’axe est bon pour réaliser la prothèse en monobloc, avec l’émergence du puits en palatin. Donc le résultat esthétique est rarement au rendez-vous.

L’école suisse a choisi de faire extraction-implantation précoce. Ils extraient les dents, et ils mettent l’implant en position palatine à 6 semaines après extraction, dans un os qui est encore en cours de cicatrisation. Ils font une ROG avec un matériel non résorbable.

Le Dr Patrice MARGOSSIAN considère cette option, et sinon il procède à l’extraction, au comblement de l’alvéole avec un matériau allogénique, au comblement épithelio-conjonctif, et à la mise en place de l’implant à 4 mois.

Conclusions :

La chirurgie implantaire est un des domaines les plus dynamiques de la chirurgie dentaire actuelle. La recherche, aussi bien théorique que clinique, procède à grands pas. Il est donc essentiel pour tous les praticiens de se tenir au courant, et de s’informer sur les « derniers acquis de la science » dans cette discipline, afin de se donner la possibilité d’arriver au sommet de leur art. Les conférences, publications, et programmes académiques d’experts comme le Dr. Patrice MARGOSSIAN constitue un excellent moyen de se former et de rester informé. Dans cette conférence, le Dr. Patrice MARGOSSIAN nous a exposé ses méthodes et astuces, tirées de nombreuses années d’expérience, afin d’arriver à un résultat fonctionnel et esthétique optimal pour différentes catégories d’implants. Nous avons hâte de lire ses publications dans le futur, et, nous espérons, de le revoir au CEOFI avec de nouvelles données scientifiques et protocoles implantaires à suivre dans nos cabinets.

Installé à Marseille, le Docteur Patrice Margossian est Chirurgien dentiste spécialisé dans les implants dentaires, greffes osseuses, greffes de sinus et greffes de gencive.

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