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« Guides radiologiques et chirurgicaux en Implantologie »

Margossian P., Mariani P., Laborde G.
EMC 23-330-A-05, 2009

Toute réhabilitation par prothèse sur implants doit être précédée d’une étude diagnostique permettant l’élaboration d’un projet thérapeutique. Les guides radiologiques et chirurgicaux permettent l’encadrement de la thérapeutique implantaire, en aidant le chirurgien à positionner les implants selon les impératifs anatomiques d’une part et les nécessités prothétiques d’autre part. La forme de ces guides va varier en fonction du niveau d’édentement (unitaire, partiel ou total) et du type de support (dentaire, muqueux ou osseux). Une excellente stabilité du guide est dans tous les cas recherchée. Ces guides peuvent être réalisés de manière traditionnelle (en faisant appel à une méthode artisanale) ou numérique (grâce à l’avancée de l’imagerie et des machines outils à commande numérique). Dans ce deuxième cas, ces guides sont directifs, permettent un positionnement des implants identique à celui organisé autour du projet prothétique. L’intérêt de l’utilisation de ces guides numériques est décrit et mis en rapport avec leur fiabilité ainsi qu’avec le surcoût technologique et financier qu’ils génèrent.

Mots clés : Guides radiologiques ; Guides chirurgicaux ; Implants dentaires

Introduction

Les thérapeutiques prothétiques utilisant les racines artificielles pour remplacer des racines dentaires comme support de prothèses, font désormais partie des « données acquises de la science » [1]. En présence d’un édentement, l’indication thérapeutique au plan médical est souvent le recours aux implants dentaires. L’extension des indications thérapeutiques conduit à des exigences de plus en plus importantes, tant pour les limites des indications qui sont repoussées toujours davantage, que pour la prévisibilité des résultats. Toute réhabilitation par prothèse sur implants doit être précédée d’une étude diagnostique permettant d’élaborer un projet thérapeutique. Celui-ci simule une proposition prothétique répondant aux exigences esthétiques et fonctionnelles du patient. Cette étape permet de valider la forme et la position des dents à remplacer pour les inscrire dans le schéma d’arcade et d’occlusion du patient. L’objectif prothétique doit, dans tous les cas, être parfaitement cerné et prédéfini par le praticien. Il doit être également visualisé et accepté par le patient. Le rôle des montages de prévisualisation du projet prothétique est essentiel. En cas d’utilisation de racines artificielles, la confrontation du projet prothétique aux données anatomiques du patient devient incontournable, ce rôle est rempli par les guides radiologiques. L’insertion des implants en adéquation avec la position des dents prothétiques est quant à elle assurée par les guides chirurgicaux. Dans le cadre de la thérapeutique implantaire, qui comporte une phase chirurgicale et une phase prothétique, les guides radiologiques et chirurgicaux doivent mettre en relation, le plus simplement possible, ces deux entités en tenant compte des impératifs techniques de chacune afin de trouver les meilleurs compromis [2-4].
Différents cas de figure peuvent être rencontrés.
La solution prothétique est en accord avec les possibilités anatomiques : c’est le cas idéal et le résultat est largement prévisible. La marge de manœuvre est grande et l’utilisation du guide chirurgical n’est pas obligatoire, bien que toujours conseillée. Une évaluation clinique des axes et la maîtrise de l’acte chirurgical permettent d’obtenir un résultat satisfaisant.
Le projet prothétique est en complet désaccord avec le volume osseux sous-jacent. On peut alors recourir à des thérapeutiques autres qu’implantaires mais aussi à des techniques de reconstruction osseuse dont le volume permet la mise en place des implants en compatibilité avec la proposition prothétique du projet thérapeutique.
Le projet prothétique est en léger désaccord avec les possibilités osseuses. Il est alors possible d’idéaliser la position de l’implant ou d’utiliser des astuces prothétiques ou encore d’accroître le volume osseux par greffe ou expansion corticale lors de la pose de l’implant, ce qui reste nécessaire si les exigences esthétiques sont mises en avant.
C’est dans ce troisième cas de figure que l’utilisation du guide chirurgical est fortement recommandée. Il faut en effet optimiser la mise en place de l’implant par rapport à la position de la future dent prothétique.
Plusieurs techniques de réalisation de ces guides radiologiques et chirurgicaux existent, nous allons les définir selon le type d’édentement.

Édentement unitaire

La mise en place de l’implant est déterminée par deux facteurs : le point d’impact sur la crête et son orientation [5]. Le point d’impact permet de situer l’implant à l’aplomb de la dent prothétique sus-jacente (et non d’une embrasure, par exemple) et de respecter les distances de sécurité idéales entre l’implant et les dents adjacentes, autorisant ainsi le remodelage d’une papille naturelle.
Le choix de l’axe implantaire permet, quant à lui, d’adapter au mieux l’axe de l’implant avec celui de sa future couronne prothétique, dans le respect des règles de biomécanique. Pour les prothèses transvissées, la gestion de l’axe permet d’optimiser la zone d’émergence de la vis de fixation. L’utilisation de piliers angulés reste possible pour corriger des divergences trop grandes ; mais l’alignement des axes radiculaires et coronaires semble représenter la situation la plus séduisante sur le plan biomécanique et esthétique. Grâce aux progrès constants de l’imagerie médicale et notamment de la tomodensitométrie, il est actuellement possible de mesurer de manière très précise les volumes osseux. Le guide radiologique permet de superposer à ces images les formes de contour du projet prothétique du patient grâce à l’utilisation de matériaux radio-opaques. Pendant longtemps, seul le point d’impact était retranscrit par l’intermédiaire de billes de métal. Puis, l’utilisation de tiges de guttapercha ou de titane a introduit la notion d’axe. C’est toutefois avec l’apparition de matériaux radio-opaques à base de sulfate de baryum que le volume prothétique a pu réellement être matérialisé [6].
Dans de nombreux cas avec faible résorption osseuse postextractionnelle, il est possible pour un praticien expérimenté de se passer des guides radiologiques et chirurgicaux. La très faible étendue de l’édentement, la présence des dents adjacentes et antagonistes donnent en peropératoire suffisamment d’information à un opérateur expérimenté afin obtenir un bon positionnement de l’implant.
Toutefois, il est préférable, pour plus de sécurité, de visualiser le projet prothétique sur les coupes transverses de scanner afin d’anticiper d’éventuelles difficultés de positionnement ou la nécessité de réaliser certains aménagements tissulaires.
Cela prend toute son importance dans les restaurations du secteur antérieur où l’esthétique dentogingivale est associée à la notion de succès.

Méthode conventionnelle

Sur un modèle d’étude une dent radio-opaque est adaptée et positionnée [7] (Fig. 1). Elle est ensuite incluse dans une base en résine transparente de type prothèse partielle amovible. L’intégration esthétique et fonctionnelle du guide est validée sur le patient (Fig. 2). Un examen tomodensitométrique est prescrit et réalisé guide en bouche. L’analyse des coupes de scanner permet de valider la faisabilité du traitement implantaire et d’indiquer l’éventuel recours à des aménagements tissulaires. La superposition du projet thérapeutique et du volume osseux permet de choisir le diamètre, la longueur, l’axe et le niveau d’enfouissement de l’implant (Fig. 3). Le guide radiologique est alors transformé en guide chirurgical. Une encoche axiale sur la dent du guide ménage l’espace nécessaire au passage des forets, tout en conservant la forme de contour prothétique afin d’aider le chirurgien dans son geste (Fig. 4) [8].

Méthode numérique

Depuis quelques années les progrès de l’imagerie et des machines outils à commandes numériques ont rendu possible la réalisation de guides chirurgicaux beaucoup plus précis.
L’exploitation des images par des logiciels d’analyse radiologique très performants permet de simuler facilement un projet prothétique virtuel (Fig. 5). Celui-ci remplace le guide radiologique physique traditionnel et représente pour les édentements unitaires une solution simple, rapide et fiable pour l’analyse d’une situation clinique.
Ces mêmes logiciels permettent la commande de guides chirurgicaux à appui dentaire pour le cas des édentements unitaires. Ces guides, une fois stabilisés en bouche sur les dents adjacentes, autorisent la réalisation de forages directifs au travers de cylindres métalliques de diamètres croissants. L’implant est alors positionné dans la situation préétablie sur le logiciel d’analyse. Dans le cadre de l’édentement unitaire, ces techniques présentent un surcoût démesuré qui ne justifie pas toujours leur utilisation.

Édentement partiel

Pour l’édentement partiel, l’utilisation de guides radiologiques et chirurgicaux est beaucoup plus courante. En effet, en plus du positionnement idéal de l’implant par rapport à sa future couronne, il convient de gérer le mieux possible l’espace édenté dans son ensemble, afin de restaurer l’harmonie esthétique et fonctionnelle de l’arcade. Les distances de sécurité dent/implant et implant/implant doivent être scrupuleusement respectées pour ne pas compromettre l’intégration et la stabilité biologique de la réhabilitation. Enfin, le choix de la composition dentaire peut être modifié (par exemple le remplacement de deux molaires par trois prémolaires implantaires, la réalisation d’un intermédiaire de bridge…) en fonction de l’espace mésiodistal disponible. Dans le cadre de restaurations partielles, la longueur de l’édentement rend plus difficile l’utilisation peropératoire des adjacentes comme seule référence.
En conséquence, l’utilisation des guides chirurgicaux est plus systématique [9, 10].

Méthode conventionnelle

Des modèles en plâtre des arcades du patient sont montés sur un articulateur. Une simulation de montage est faite soit grâce à des dents artificielles du commerce (Fig. 6), soit par l’intermédiaire de wax-up (Fig. 7). Cette dernière approche offre une plus grande adaptabilité afin de répondre le mieux possible à la situation spécifique. Cette simulation prothétique permet de valider la position des dents, leur dimension, leur rapport avec l’arcade antagoniste. Le projet ainsi constitué est alors transformé en résine transparente et stabilisé sur les dents présentes à la façon d’une prothèse partielle amovible (Fig. 8). Des forages sont réalisés au milieu de chaque couronne et selon leur grand axe, puis investis d’un matériau radio-opaque (gutta, CavitTM).
L’examen scanner fournit des coupes avec une superposition du projet prothétique et du volume osseux du patient. Les marqueurs radio-opaques sont déposés et le guide peut alors servir lors de la chirurgie, pour le guidage des forets (Fig. 9). Il s’agit ici d’un guidage suggéré et non directif, qui laisse au chirurgien une marge de manœuvre importante pour les éventuelles adaptations à une spécificité anatomique.
Il est aussi possible d’utiliser des dents du commerce radio-opaques pour donner une information plus complète sur le projet prothétique, par la matérialisation de la totalité des formes de contour coronaire de la future prothèse (Fig. 10) [11].

Méthode numérique

Comme pour l’édentement unitaire, un projet virtuel peut être organisé sur le logiciel d’analyse scanner, toutefois l’absence d’un trop grand nombre de dents rend aléatoire la fiabilité du projet, faute de repère physique suffisants sur les coupes (Fig. 11) [12]. L’utilisation d’un guide radiologique semble obligatoire pour matérialiser un projet réel. Ce guide radiologique peut être une prothèse partielle amovible en résine indexée grâce à des marquages (petits plots radio opaques) pour le système NobelGuide®, ou une prothèse partielle amovible avec des dents radio-opaques. Le positionnement implantaire est défini en fonction du projet prothétique et le guide chirurgical est recommandé. Ce guide est selon le type d’édentement, à appuis dentaire et/ou muqueux, voire également stabilisé par des clavettes transosseuses.
Les forages sont alors directifs et ne permettent aucune modification peropératoire. En raison de ce dernier point, les guides artisanaux en résine demeurent toujours d’actualité car leur souplesse d’utilisation conserve une grande marge de manœuvre pour le chirurgien et à son sens clinique…

Édentement total

Méthode traditionnelle

C’est sans doute pour ce type d’édentement que les guides sont le plus utiles. En effet, l’absence des dents prive le chirurgien de toute référence sur l’orientation et la position des dents prothétiques. Le patient étant recouvert d’un champ opératoire durant l’intervention, aucune référence faciale ne peut être utilisée. La crête édentée ne peut être prise comme référence horizontale car la résorption consécutive aux avulsions n’est pas un phénomène symétrique et s’avère grandement attachée au passé étiopathologique du site. Un guide radiologique est réalisé en dupliquant la prothèse provisoire du patient en résine transparente (Fig. 12). Des forages le long des axes dentaires et parallèles entre eux sont réalisés et investis d’un matériau radio-opaque (gutta-percha, cavit, etc.). La tomodensitométrie permet de superposer ces axes implantaires idéaux avec le volume osseux du patient (Fig. 13). L’analyse du scanner permet la modification éventuelle de ces axes et le choix du diamètre et de la longueur des implants. Le guide radiologique est ensuite transformé en guide chirurgical par le meulage des zones de résine nécessaire à l’accès des différents instruments de forage et au décollement des tissus mous. La stabilité du guide est assurée par la partie palatine ou linguale postérieure et le volume vestibulaire des dents matérialise le couloir prothétique de guidage (Fig. 14) [13].
En fonction du niveau de résorption, la prothèse comprend ou non une reconstruction prothétique de la zone gingivale. Dans les situations d’émergence naturelle des dents sur la gencive naturelle du patient, il est impératif d’optimiser le positionnement implantaire pour ne pas perturber la composition dentaire (harmonie de la répartition des dents sur l’arcade) (Fig. 15). Ainsi, chaque implant doit être situé à l’aplomb d’une couronne clinique et non face à une embrasure. Pour les prothèses totales ostéo-ancrées avec une fausse gencive, les positionnements implantaires sont moins stricts car l’émergence implantaire se situe au niveau de la gencive prothétique dans une zone non visible, recouverte par la lèvre (Fig. 16). Le choix du type de prothèse (avec ou sans fausse gencive) est fait en préopératoire, en observant le niveau de résorption de l’os alvéolaire et en évaluant le niveau du recouvrement de la crête gingivale par la lèvre lors du sourire et du rire. La dimension verticale d’occlusion idéale doit être maintenue sans pour autant modifier les rapports couronnes/racines, garants d’une esthétique dentogingivale harmonieuse grâce à des dents aux proportions agréables.

Méthode numérique

Une prothèse totale amovible est réalisée et définit un projet prothétique idéal. Cette prothèse est indexée par des petits plots de matériaux radio-opaques (gutta-percha) permettant son repositionnement numérique sur les bases osseuses du patient (Fig. 17). Dans le système NobelGuide® deux examens scanner sont réalisés : un du patient avec sa prothèse en bouche et un de la prothèse seule. L’exploitation numérique des fichiers radiologiques va permettre de positionner le plus idéalement possible les implants en fonction du projet prothétique. Ce même logiciel permet la commande en ligne de guides chirurgicaux à appuis muqueux ou osseux (Fig. 18).
Le guide est alors stabilisé en bouche grâce à des clavettes ou des vis transosseuses. Les forages sont réalisés au travers de cylindres directifs, de diamètre progressif jusqu’à la mise en place des implants (Fig. 19). Les insertions se font selon les axes prédéfinis sur le logiciel grâce au guidage des porte-implants. L’utilisation de ces guides numériques permet une réelle optimisation du positionnement implantaire. Toutefois, il faut être certain du bon calage du guide et de son immobilité tout au long de l’intervention, au risque de biaiser l’ensemble de la procédure. Le protocole flap-less ajoute un réel confort pour le patient en diminuant considérablement les suites opératoires et apporte le bénéfice immédiat d’une prothèse transitoire mise en charge directement sur les implants. Il est toutefois prudent de réserver ces techniques aux situations anatomiquement favorables afin de conserver une marge de sécurité compensant d’éventuelles erreurs dues à un mauvais positionnement du guide ou au jeu des pièces lors des guidages. Il est également important de noter la nécessité d’une ouverture buccale suffisante afin de pouvoir introduire les forets sur le guide. Une simulation de mise en situation des forets est obligatoire (surtout dans les secteurs postérieurs) afin de valider l’indication de la technique [14, 15].

Conclusion

L’implantologie chirurgicale et prothétique est considérablement facilitée par l’utilisation de guides radiologiques et chirurgicaux conformes aux objectifs thérapeutiques fixés. Il s’agit de sécuriser le geste chirurgical par rapport à des spécificités anatomiques, mais aussi de réaliser une prothèse d’usage en accord avec le projet thérapeutique initial grâce au bon positionnement des implants. L’avancée de l’imagerie médicale et l’apparition de logiciels d’analyse toujours plus puissants ont permis une approche numérique dans la gestion du positionnement implantaire. Il est toutefois important de se questionner sur le choix de guides chirurgicaux plus ou moins directifs, autorisant différents niveaux d’adaptabilité clinique pour l’opérateur.

Chirurgien dentiste à Marseille, le Docteur Patrice Margossian est spécialisé dans les greffes osseuses et gingivales et les implants dentaires, notamment les techniques d’extraction, implantation et mise en fonction immédiate.

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