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« Restauration céramique antérieure : les préparations partielles et adhésion »

JF Lasserre, G. Laborde, S. Botti, S. Koubi, H Lafargue, G. Couderc, G. Maille, P. Margossian
Réalité Clinique 2010, vol 21, n° 3 ; p 183 à 195

RESUME
La réalisation des Restaurations Adhésives Céramiques s’inscrit de plain-pied dans le concept de dentisterie adhésive moderne dont l’objectif premier est la préservation tissulaire et le biomimétisme. La typologie des préparations se fonde sur neuf principes fondamentaux, biomécaniques, esthétiques et biologiques qui représentent les clés pour concevoir les formes de contour les plus adaptées à chaque situation clinique. La pérennité de ces traitements est assujettie à la connaissance de la biomécanique des interfaces collées et au strict respect des protocoles opératoires de préparation et d’assemblage. La conservation maximale de la couche amélaire est dans tous les cas une garantie de forte adhésion. L’utilisation de guide de préparation est indispensable et permet de garantir la abilité et la reproductibilité des procédures cliniques.

IMPLICATION CLINIQUE
Dans le secteur antérieur, les restaurations partielles de céramique collées sur des préparations dentaires minimales sont une alternative de choix aux couronnes sur préparations périphériques et aux composites volumineux.

Si les principes de préparation relatifs aux restaurations périphériques ne sont pas fondamentalement différents des règles biomécaniques usuelles régissant la prothèse conventionnelle (1). Il en va autrement pour les restaurations céramiques adhésives partielles. La mise en œuvre de ces procédés s’inscrit de plain-pied dans le concept de dentisterie adhésive moderne a minima dont l’objectif final est le biomimétisme des restaurations (2).
Grâce à l’évolution du collage aux tissus durs dentaires et à la mise au point des traitements adhésifs pour céramiques vitreuses, les principes de préparations ont largement évolué (3). En effet, la révolution adhésive a permis de s’affranchir des dogmes mécanistes de la prothèse fixée qui aboutissaient à une mutilation tissulaire excessive (4).

TYPOLOGIE DES PREPARATIONS
Classiquement, les formes de contour des restaurations adhésives céramiques (RAC) sont déclinées dans un but didactique sous des formes types que l’on classe de la moins préparée à la plus préparée : en facette pelli- culaire simple ou vestibulaire, facette à bord net « butt margin » ou à biseautage incisif ad vestibulum, facette à recouvrement occlusal ou retour palatin et facette jackett ou RAC périphérique totale ( g. 1).
La description de ces formes types n’a qu’un intérêt secondaire comparé aux prin- cipes fondamentaux biomécaniques, esthé- tiques et biologiques, qui constituent des clefs pour préciser les formes de contour de préparation les plus adaptées à chaque situation clinique.

Principe 1 : Biomimétique de l’interface collée
La maîtrise des techniques de collage de la céramique vitreuse aux tissus durs dentaires a permis de reconsidérer les principes géométriques et biomécaniques des préparations périphériques. Il y a déjà 17 ans Stacey écrivait : « le complexe porcelaine/colle composite/dent a une cohésion supérieure à celle du composite collé et proche de la résistance naturelle de la dent…» (5). Peumans et Van Meerbeek en 2000 suite à une importante revue de littérature sur le collage de la céramique concluaient: « La force de cohésion de la céramique feldspathique mordancée et silanée à la dent est supérieure à celle de la jonction émail-dentine et à la cohésion propre de la céramique…» (6).
En fait, l’interface collée reproduit la nature dans le sens où on est aujourd’hui capable de réaliser une coque de céramique vitreuse, « d’émail artificiel », sur un noyau amélodentinaire naturel avec une force de cohésion avoisinant celle de la jonction amélodentinaire des dents naturelles.
Cet idéal biomimétique (7) donne une importance tout à fait secondaire à la question des formes de contour des préparations (2). Ces dernières peuvent être éminemment variables selon les situations et les objectifs cliniques à atteindre allant de petits fragments de céramique (8) à des restaurations périphériques totales collées (1). Certains points importants sont cependant à souligner.

Principe 2 : Préservation de la couche d’émail
Il est acquis que l’adhésion est d’autant plus performante que l’on colle sur un substrat amélaire (9, 10) et que la plupart des fractures cohésives sont observées sur un substrat dentinaire (11). L’objectif de nos préparations pour RAC est donc de préserver si possible un support amélaire au collage avec un bandeau d’émail sur toute la périphérie de la préparation (12, 13). Or, la couche d’émail varie naturellement d’épaisseur de la zone cervicale jusqu’au bord incicif. Elle varie aussi de manière importante selon l’âge du patient. L’usure dentaire est plus ou moins précoce selon les facteurs d’agression intrinsèques ou extrinsèques mais de nombreux auteurs s’accordent pour observer que l’usure dentaire érosive est de plus en plus fréquente chez des sujets jeunes, actualisant d’autant plus les restaurations peu invasives. Lorsque l’émail est fin, les fraises diamantées cannelées ou des techniques de pénétrations contrôlées non réfléchies aboutissent à d’importantes plages de dentine exposées (2). Le raisonnement soustractif à partir du projet prothétique (cire de diagnostic) et de clefs de réduction en silicone est indispensable à une économie amélaire maximale ( g. 2) (14, 15, 16, 17).

Principe 3 : Protection dentinaire immédiate
Chez les patients, pour lesquels les limites de collage se situent à un niveau radiculaire, dans le cas de compensation de malposition dentaire par la facette (cas clinique n° 1, g. 3) ou si l’érosion a déjà détruit toute la couche d’émail, les plages de collage dentinaires peuvent être étendues, dépassant parfois 50 % de la surface des préparations. Dans ces cas d’exposition dentinaire, l’application du principe du « continuum odontoprothétique » est une nécessité pour respecter le complexe pulpodentinaire et la vitalité pulpaire. La réalisation d’une couche hybride dans la même séance que la préparation dentinaire, et avant l’empreinte, est vivement recommandée. L’adhésif, étalé sans accumulation, est recouvert d’une couche glycérinée avant polymérisation pour éviter la couche d’inhibition due à l’oxygène susceptible d’interférer dans la prise du matériau à empreinte (18). Cette hybridation immédiate permet:
1 la prévention des percolations bactériennes,
2 la gestion de la contamination pendant la phase de tem- porisation,
3 la prévention des sensibilités postopératoires,
4 une augmentation de la qualité de l’adhésion lors de la séance de collage.
Une nition en congé dentinaire plus marquée (0,8 à 1 mm) que pour les finitions amélaires est recommandée pour ménager la place de l’adhésif tout en conservant une limite lisible au laboratoire (2).
Une deuxième hybridation sera réalisée lors du collage de la céramique sans polymérisation préalable de l’adhésif.

Principe 4: Observation de l’occlusion statique et dynamique
Lors de l’examen préprothétique, l’observation de l’occlusion statique et en particulier des aires de contacts de l’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) à l’aide de papier Bausch® 40 μm est un préalable indispensable. En cas de recouvrement occlusal par la facette, le joint de céramique ne doit jamais se trouver en correspondance exacte avec les aires de contact de l’OIM. Ceci accélérerait la détérioration des marges de céramique et le creusement du joint de colle. Le joint devra se situer au moins un millimètre au-delà (situation cingulaire pour une normoclusion) ou un millimètre en deçà (situation au quart incisif pour une normoclusion). Cependant, chaque fois que cela sera possible la préservation de l’occlusion naturelle de la face palatine d’émail sera recherchée. Cette démarche actuelle se justi e pour cinq raisons :
• principe de conservation tissulaire maximale,
• difficulté à reproduire la complexité morphologique d’une face palatine linguale (palatine) par le prothésiste,
• dif culté à régler correctement l’occlusion statique et dynamique, et à repolir mécaniquement la céramique dans une zone dif cile d’accès pour les praticiens,
• fortes contraintes de exion dans la concavité palatine incisive lors des pressions du guidage antérieur qui favoriseraient les fêlures de la céramique (19). La situation dans cette zone de « stress » mécanique, au milieu de la concavité palatine est la plus défavorable pour une facette à recouvrement et ceci d’autant plus que la dent est ne (2). Les dents bombées et épaisses présentent moins de risques,
• biomimétisme plus facile avec un support tissulaire dentaire continu au voisinage du bord incisif. Ceci évite des erreurs de translucidité/opacité de la céramique massive dans sa partie incisale lors de la réalisation en laboratoire.
L’observation de la propulsion et des latéralités centrifuges mais aussi de l’incision et de la trituration lors du cycle masticatoire centripète doit nous conduire à af ner nos nitions céramiques occlusales ( g. 3). Les défauts de compréhension de l’occlusion sont une cause impor- tante d’échecs prothétiques dans les RAC en particulier lors des facettes à recouvrement occlusaux. Lorsque la préparation palatine est nécessaire (fractures coronaires – érosions palatines – recouvrements d’obturations composites) certains contrôles sont indispensables:
• réaliser une ligne de nition avec un appui sur une préparation en congé assez marquée. Cette ligne peut être tracée avec une fraise boule diamantée de gros diamètre (fraise Komet® 801-016 ou 801 023) (3), puis la pénétration contrôlée du reste de la face palatine est développée à l’aide d’une fraise à congé diamantée bague verte 6856-012 avant la mise de dépouille nale,
• tenir compte de l’inclinaison et de l’angulation du guide incisif (guide incisif vertical ou horizontal). En effet beaucoup de préparations palatines au-dessus de la limite cervi- cale sont trop verticales ce qui entraîne un af nement de la céramique dans la zone de concavité palatine et contribue, au même titre que les contraintes en exion, aux risques biomécaniques dans cette zone. Ce risque est accentué par l’impossibilité de contrôler l’occlusion avant le collage des RAC: les réglages occlusaux après le collage risquent d’af ner et fragiliser encore la céramique palatine,
• véri er la régularité de l’épaisseur ménagée pour la céramique palatine qui favorise sa résistance cohésive,
• contrôler l’absence de contre-dépouilles entre la zone palatine et la zone cervicale vestibulaire, une situation inverse nuirait à l’ajustage.

Principe 5 : Stabilité primaire de la RAC
Dans des formes géométriques simples, comme les facet- tes sans recouvrement occlusal, il existe un risque important d’imprécision de positionnement de la facette au moment du collage lié à un phénomène comparable à « l’aquaplaning » sur la colle interposée entre la dent et la facette. Il peut être alors conseillé pour stabiliser la facette au moment du collage de réaliser une forme de fraisage hémisphérique (fraise boule diamantée bague verte Komet 801-014) située sur la face vestibulaire de la dent dans la moitié inférieure du tiers moyen de la face vestibulaire (20) ( g. 4).
Pour les facettes en céramique feldspathique, cette forme de centrage n’entraîne aucune modi cation de teinte ou de mimétisme de la céramique dans la zone concernée. Le manque de stabilité primaire est aussi l’une des difficultés principales pour la réalisation et le collage des “chips” de céramique. Dès la réalisation de bords nets ou de recouvrements occlusaux, les fortes variations d’angulations, voire l’opposition des parois augmentent considérablement la stabilisation. La forme de centrage vestibulaire est cependant compatible avec des finitions en bord net « butt margin » car ces dernières gardent un champ d’insertion vestibulaire.

Principe 6 : Con guration des finitions proximales
Suivant les situations des limites, les RAC rétablissent partiellement ou totalement les contacts proximaux en céramique. La préparation proximale commence toujours par le passage d’une bande abrasive métallique diamantée grain rouge de Komet® a n de parfaitement contrôler l’état des surfaces proximales en polissant et allégeant légèrement les zones de contacts interdentaires. On améliore ainsi la qualité de prise d’empreinte proximale et la lisibilité des limites de préparation pour le prothésiste. Suivant les situations des limites les RAC rétablissent partiellement ou totalement les contacts proximaux en céramique. Dans les préparations, il est également important de préciser le niveau d’enveloppement proximal. Les instruments soniques (Sonic ex®) ou ultrasoniques (Perfect Margins®) peuvent être une excellente alternative aux fraises classiques pour les nitions proximales. Pour certains, leurs formes, diamantées sur une seule face, préservent les dents adjacentes. Dans tous les cas, ils représentent une excellente alternative aux fraises classiques pour les nitions proximales (2). Pour les facettes vestibulaires et les facettes à biseautage ad vestibulum, la facette doit s’en- gager assez rapidement dans l’embrasure cervicale a n de masquer d’éventuelles colorations proximales, physiologiques ou dyschromiques qui rendraient visible la limite, plus claire, de la restauration céramique. La préparation contourne ensuite l’aire de contact proximal en diminuant son épaisseur vestibulolinguale. À ce niveau, il est recommandé de ne pas dépasser la moitié de la zone de contact a n d’économiser les tissus dentaires et de ne pas exposer de dentine par une préparation trop profonde (2). La finition proximale se termine dans la zone d’embrasure incisale par une ligne située au milieu de la face proximale. Ainsi, la limite proximale dessine une hélice plus ou moins galbée selon la morphologie initiale de la dent ( g. 5). Pour les facettes à retour palatin au tiers incisif ou au tiers médian, la préparation dépasse l’aire de contact proximal, dans le sens vestibulolingual, pour englober le bord incisif. Les surfaces de contact proximales peuvent être partiellement préparées dans le sens vertical ou totalement préparées selon la morphologie initiale de la dent (section totale dans le cas de dents triangulaires aux contacts proximaux bas). Il est crucial que la zone de section du contact proximal se situe dans le prolongement du congé palatin ceci a n de ne pas créer de dénivelé et d’angulations importantes de la pièce de céramique qui favoriseraient l’amorce de microfêlures lors des manipulations ou lors de la rétraction de collage (19). Le dessin en vue proximale de la limite peut être décrit en forme de toboggan ( g. 6).
Pour les RAC périphériques totales, les surfaces de contact proximales sont totalement supprimées, ce qui conduit à une situation cingulaire du joint palatin et à une horizontalisation de la limite cervicale ( g. 7). Ces deux conséquences favorisent la résistance biomécanique de la RAC. Le contrôle d’une dépouille franche (30°) de la préparation doit être effectué pour permettre l’ajustage de laboratoire avec un joint n, garant de la cohésion et de la résistance après collage. L’abord des zones proximales est particulièrement délicat si l’on en croit l’incidence des lésions iatrogènes répertoriées dans la littérature (21). Il est parfois recommandé de protéger les faces proximales adjacentes avec des séparateurs ou des bandes de matrices métalliques.

Principe 7 : Recouvrement et rallongement bord incisif
majorité des RAC sur incisives présente un recouvrement et/ou un rallongement des bords incisifs. Ce choix à pour avantages : permettre au prothésiste de meilleurs effets esthétiques dans le 1/3 incisif grâce à la place laissée pour la stratification de la céramique, donner la liberté de pouvoir redessiner la ligne incisive de l’arc dentaire antérieur en harmonie avec la lèvre inférieure, d’augmenter la cohésion et la protection des sus durs dentaires restant, d’augmenter la stabilisation de la pièce de céramique lors du collage ce jour, le bord net « butt margin » et le recouvrement occlusal à retour palatin restent deux types de finitions du bord libre préconisés dans le cadre du rallongement incisif ( g. 7). bord net « butt margin » correspond à une tion du bord incisif sur la face palatine, il est intéressant de réfléchir à son orientation. Un bord net « butt margin » avec biseautage ad vestibulum est une coupe franche du bord incisif sans retour lingual. Ce biseau décrit une orientation ad vestibulum d’environ 30 à 45° rapport au bord incisif; l’angle de raccordement à la préparation de la face vestibulaire adouci pour répartir les contraintes. Cette coupe doit être prolongée jusqu’à l’émail lingual pour développer le collage amélaire. Comparé à une nition horizontale parallèle au bord incisif, le biseautage ad vestibulum augmente l’intégration optique (passage progres- de la céramique supportée par les tissus durs dentaires à un bord incisif en céramique pure) développe la surface de prismes d’émail expo- de la coupe vestibulaire et de la coupe linguale (augmentation angulaire géométrique de la surface d’émail) ( g. 8).
Pour bien supporter la céramique, la coupe doit avoir une épaisseur minimale comprise entre 1 mm et 1,5 mm ce qui conduit à réduire davantage en hauteur les dents nes que la hauteur des dents épaisses. La hauteur incisale de céramique peut aller de quelques dixièmes de mm à 2 ou 3 mm suivant les situations cliniques.
Le retour palatin ou recouvrement occlusal est une préparation qui revient sur la face linguale en forme de congé large. Le bord incisif est préparé horizontalement et tous les angles de raccordement sont émoussés. La dépouille face linguale/ face vestibulaire est importante (>30°) et une attention particulière est apportée à ménager une épaisseur de céramique linguale régulière, tenant compte de l’inclinaison du guidage incisif ( g. 9).
Selon les études de contraintes in vitro en éléments nis, la situation du congé palatin doit éviter le plus possible la zone médiane de concavité palatine (contraintes maximales) pour se situer au 1/3 incisif, ou dans le retour cingulaire, où les contraintes de exion sont moindres (2) (22). Sur le plan clinique, l’épaisseur vestibulolinguale de la dent mesurée au compas d’Ivansson, indique une nition de type bord net « butt margin » plutôt qu’un recouvre- ment incisif qui serait accompagné d’une épaisseur de céramique insuf sante. Après la préparation de la face vestibulaire, une clé en silicone guide l’opérateur pour le type de recouvrement le plus adapté (Cf article « Cérami- ques du secteur antérieur :1ère partie », paragraphe « les guides de réduction » dans ce numéro).
Le recouvrement minimal doit ménager 1,5 mm à 2 mm de hauteur de céramique mais le rallongement de la dent peut aller jusqu’à 5 à 7 mm en particulier s’il existe une fracture coronaire au départ (2). Dans cette dernière situation de recouvrement important, les céramiques renforcées au disilicate de lithium semblent être l’option de choix en tant qu’alternative à la céramique feldspathique (23, 24).

Principe 8 : Fermeture des diastèmes et des embrasures cervicales ouvertes ou « triangles noirs »
Dans les deux cas de gure, le problème est d’amener la céramique dans des zones d’embrasures cervicales pour regalber les profils axiaux proximaux. Pour les facettes collées, les situations des limites cervicales sont juxta ou le plus souvent supragingivales. Or, dans ces deux cas précis, l’enfouissement en situation intrasulculaire des limites cervicoproximales améliore la gestion du pro ld’émergence. Ceci conduit plus progressivement et naturellement à la fermeture du diastème ou de l’embrasure cervicale trop ouverte ( g. 10). Le repositionnement et le soutien gingival des papilles s’avèrent plus favorables à l’esthétique qu’un surcontour horizontal de céramique au démarrage d’une facette avec limites supragingivales. Pour la fermeture des diastèmes proximaux, l’enveloppement proximal par la RAC doit être total qu’il s’agisse d’une facette à bord net « butt margin » ou d’une facette à recouvrement palatin (26).
Pour les fermetures d’embrasures cervicales, il est indispensable de ré échir à l’orientation du champ d’insertion de la RAC. En effet, une RAC à retour palatin présente un champ d’insertion oblique coronoapical
Le diamètre cervical de la préparation étant plus étroit que le diamètre incisal, cet axe d’insertion ne permet pas d’amener en appui et en surcontour axial, la céramique profondément dans les embrasures cervicales car elles sont de contredépouille. Une préparation en bord net « butt margin » donne un champ d’insertion oblique apicocoronaire (parallèle au biseau ad vestibulum). Vu sous cet angle, le diamètre cervical devient de dépouille par rapport au diamètre incisal, ce qui permet d’amener, en appui et en surcontour, la céramique dans les embrasures cervicales et de fermer les triangles noirs ( g. 11) (cas clinique n° 1, g. 10).
Dans ces cas d’altérations parodontales où les incisives sont en général égressées, le bord net « butt margin » peut aussi être utilisé pour raccourcir une hauteur excessive de dent.

Principe 9 : Attitude vis-à-vis des obturations en composite
Dans la majorité des cas, la dent support de RAC présente des obturations en composite. Le préalable est de toujours déposer les anciennes restaurations et de supprimer les tissus pathologiques infiltrés puis de réaliser de nouvelles obturations (de teinte plus claire) et qui présen- teront une bonne abilité de collage.
La réflexion clinique vise à déterminer la situation des limites des préparations pour RAC. En effet les propriétés physicochimiques des composites sont éloignées des céramiques et il est risqué de réaliser des techniques « sandwichs ». Comparée à la relative inertie chimique des céramiques dentaires, les composites présentent un faible module d’élasticité qui en font un support trop exible pour la céramique. Magne et Belser (2) notent qu’une restauration préalable en composite ne permet pas d’augmentation de la résistance du complexe dent/restauration et qu’il est préférable d’éviter des volumes importants de composite sous les RAC (3). Il existe avec les composites bis-GMA une rétraction de prise qui crée de fortes contraintes sur les parois dentaires résiduelles, les variations dimensionnelles thermiques sont importantes (dila- tation avec l’augmentation de température), l’absorption hydrique secondaire entraîne elle aussi une augmenta- tion volumétrique des composites, en n la dissolution alcoolique altère la qualité de la matrice organique dans le temps. Du fait des contraintes internes engendrées et des altérations liées au vieillissement, les reconstitutions mixtes favorisent les craquelures de la céramique et le développement de fêlures. Face au problème des contraintes thermiques, Roulet et coll. préconisent, soit un enveloppement total des obturations composites par les RAC, soit un recouvrement partiel à mi-obturation qui serait suf sant pour diminuer significativement les contraintes thermiques (27).
On peut recommander le compromis clinique suivant, en fonction de la situation du composite:
• Classe 4 : suppression totale du composite et reconstitution du bord incisif par de la céramique directement collée sur les tissus durs dentaires (sauf dans les cas de coiffages pulpaires directs ou juxtapulpaires où une protection composite minimale est nécessaire), ( g. 12),
• Classe 3: recouvrement systématique du composite par la RAC avec situation de la limite au-delà du com- posite dans les tissus durs dentaires. Le composite n’est alors considéré que comme un substitut dentinaire réduit au minimum et conservé uniquement en fond protecteura n de négocier les contre-dépouilles et de préparer à minima le support dentaire (principe d’économie tissulaire) ( g. 13) (Cf g. 3b 1re partie).
Cette attitude clinique a pour conséquence de réaliser des RAC plus englobantes dans les zones proximales et d’étendre souvent les préparations à la face linguale. La décision restera toujours une balance clinique entre l’économie tissulaire, le respect de l’occlusion et la résistance biomécanique du complexe dent/composite/céramique.

VARIANTES CLINIQUES
Dent en linguoposition
Si l’orthodontie demeure la solution de choix pour les malpositions, elle n’est malheureusement pas toujours retenue chez l’adulte en raison du temps et de la « lourdeur » du traitement. Les facettes peuvent représenter une excellente alternative à condition que les malpositions ne soient pas extrêmes et n’aboutissent pas à un volume final de l’ensemble dent/restauration qui n’aurait plus rien à voir avec le volume d’une dent naturelle.
Dans le cas d’une linguoposition, la réalisation des cires de diagnostic et des masques s’avère aisée en raison de la nécessité d’ajouter de la matière a n de vestibuler la dent. Le transfert en bouche est souvent spectaculaire pour le patient mais l’addition de matériau peut aboutir à un bord incisif trop épais pour le confort et la phonation ( g. 14c). De la même façon, le contour cervico-axial vestibulaire en excès peut être incompatible avec le maintien de la santé du tissu marginal et doit être évalué.
De cette observation à propos de la nouvelle forme de contour du bord incisif, découle une attitude clinique différente lors de la réalisation des préparations. Si les règles de réduction se réduisent à leur plus simple expression (simple trace a n de délimiter les contours des restaurations notamment dans la région cervicale et proximale), la réduction incisale doit être plus importante que les 2 mm classiques et peut atteindre 4 mm. Une telle réduction permet au céramiste de disposer d’une plus grande amplitude pour réaliser la transition plus douce de la forme de contour palatine entre la limite supracingulaire et le nouveau bord libre, afin que celui-ci soit moins épais ( g. 14c et d). Ceci entraîne forcément une modi cation du guidage antérieur qui doit être pris en compte. Lorsque la réduction incisale est supérieure à 2 mm, le besoin de résistance mécanique indique l’utilisation d’une céramique renforcée (e.max®), plutôt que feldspathique (23, 24) (Cas clinique n° 2, g. 14).

Dent en vestibuloposition
C’est la situation la plus complexe à appréhender pour le praticien et le patient, car le projet morphologique ne peut être validé sans réduire les volumes trop vestibulaires. En effet, lors du positionnement de la clé en silicone remplie de résine, les dents initiales font obstacle à la bonne insertion de la clé aboutissant à une projection trop vestibulaire.
C’est pourquoi nous devrons utiliser deux « masques » :
• un premier réalisé directement sur la situation initiale, permet de visualiser les plages dentaires en dehors du projet. Une réduction à la fraise de cette partie excédentaire, après discussion et accord du patient, permet d’inscrire parfaitement le volume dentaire dans le projet ( g. 15 b);
• un deuxième masque est transféré après la plastie. On contrôle cette fois-ci parfaitement le positionnement en raison de l’absence de contact entre la clé de transfert et les dents sous-jacentes. La véri cation de ce nouveau projet se fait par l’observation de l’homogénéité de la surface du projet et l’absence de plages dentaires excédentaires.
Une fois le « masque » validé, la nouvelle morphologie sert à la technique de pénétration contrôlée, afin de respecter le concept de réduction tenant compte du volume souhaité ( g. 15c).
Après la dépose du masque en résine, on visualise sur les dents sous jacentes les traces de calibration. L’application des principes de base, dépouille et axe d’insertion, nalise l’adéquation des préparations au volume final, validé par les clés en silicone ( g. 15d) (Cas clinique n° 3, g. 15).

Méthodologie opératoire des RAC partielles
Validation du projet thérapeutique
Comme dans la majorité des disciplines médicales, le dentiste va être perçu comme un chirurgien esthétique avec la notion d’obligation de résultat. Le transfert du projet en bouche, va donc permettre au patient de visualiser directement, en situation, l’aspect (forme, volume) ( g. 15c) des nouvelles dents et d’apprécier les nouveaux rapports avec les tissus environnants (visage, lèvres, langue et joues) ( g. 14b et c) pendant la dynamique labiale (repos, sourire, rire, phonation).
Pour sa réalisation on utilise successivement:
• une cire de diagnostic qui traduit morphologiquement les objectifs fixés lors du plan de traitement prothétique (modi cation de forme, de position, fermeture de diastèmes…),
• une clé en silicone pour transférer le projet, issue du wax up. Il englobe au moins deux dents de chaque côté (non intéressées par le projet), a n de faciliter son repositionnement.
Une résine fluide injectable chémopolymérisable « Bis GMA » (possédant des propriétés optiques, suf samment translucide) sera injectée à l’intérieur de la clé silicone avant son repositionnement en bouche.
Une fois la polymérisation de la résine achevée (environ 2 minutes), la clé est retirée. La majorité des excès se concentre au niveau du vestibule muqueux et de la zone palatine. Ils devront être éliminés délicatement afin de ne pas perturber l’apparence des tissus mous et la phonation (soulèvement ou gon ement de la lèvre, modification de certains phonèmes en cas d’excès palatin) ( g. 14b et c, 15 b et c).
À ce stade le patient peut se présenter face à un miroir a n de visualiser le projet esthétique. Cette étape de transfert du projet morphofonctionnel, grâce au « masque », est essentielle (14, 15, 16, 17) et doit aboutir à la validation par le patient et le praticien.

Guide pour les préparations calibrées
Le deuxième avantage majeur du projet thérapeutique est la possibilité de contrôler parfaitement les épaisseurs de réduction. Il s’inscrit pleinement dans le concept de dentisterie a minima.
En effet, une fois le projet réalisé en bouche, les préparations sont effectuées directement sur celui-ci, avec une technique de pénétration contrôlée ( g. 15c), afin de respecter les principes de réduction à partir du volume nal ( g. 3c, 15b).
La préparation contrôlée consiste à calibrer la perte de substance qui va être imputée à la dent à l’aide d’instruments rotatifs de dimensions connues.
Des fraises boules long col de diamètre 12 ou 14 dixièmes, utilisées de manière tangentielle à la face vestibulaire, permettent d’empêcher tout excès de préparation en raison de la butée du mandrin non travaillant sur la face vestibulaire. Des fraises canelées, précalibrées peuvent aussi être utilisées à cet effet. Ces fraises sont utilisées tangentiellement sur toutes les faces vestibulaires du « masque » a n d’obtenir une épaisseur de réduction régulière de 0,4 à 0,5 mm nécessaire à la réalisation des facettes. Une fois les gorges transversales réalisées sur le masque à différents niveaux, il suffit alors de déposer cette coque en résine préparée pour visualiser sur les tissus durs sous jacents les zones à retoucher et les zones respecter.
Grâce à cette technique très simple, il devient possible de contrôler parfaitement les épaisseurs de préparations et de valider l’espace ménagé pour le céramiste, a n que celui-ci dispose d’un espace régulier pour l’obtention des propriétés optiques et mécaniques de la restauration. Les épaisseurs de réduction peuvent être également contrôlées au stade des restaurations provisoires. Après ajustage des restaurations provisoires et contrôle de leur adaptation occlusofonctionnelle, les impacts statiques en OIM, et les trajets de propulsion et latéralité sont matérialisés en bouche à l’aide d’un papier marqueur sur les provisoires. Le volume disponible peut être alors quantifié à l’aide d’un compas d’épaisseur par lecture directe au niveau des zones d’occlusion.
Dès que les préparations sont validées et comme évoqué en principe 3, on réalise une protection du complexe pulpodentinaire immédiatement par hybridation pour prévenir toute percolation bactérienne et promouvoir l’adhésion finale de la restauration.
Les finitions choisies dans ce cas clinique sont des abords vestibulaires pelliculaires, sans retour palatin, et sans dépasser les contacts interproximaux. L’abord des zones proximales est particulièrement délicat et il est recommandé de protéger les faces proximales adjacentes avec des séparateurs ou des bandes de matrices métalliques.

Temporisation
Lorsque les préparations sont validées, la clé en silicone (utilisée pour le mock up) est réutilisée afin de réaliser les provisoires. Ces dernières sont la reproduction fidèle du projet esthétique afin que le patient commence à s’habituer à « ses nouvelles dents ».
Le même matériau résineux « Bis GMA » est utilisé en raison de ses propriétés esthétiques et l’absence d’exothermie pendant sa polymérisation. Le provisoire est scellé avec des ciments résineux disposant d’un faible potentiel adhésif, tel que du composite fluide sans système adhésif, un mordançage punctiforme peut être utile.

CONCLUSION
La mise en œuvre des restaurations adhésives de céramique (RAC) s’inscrit dans le concept de dentisterie adhésive moderne dont l’objectif premier est la préservation tissulaire et le biomimétisme des restaurations. La pérennité de ces traitements est assujettie à la connaissance de la biomécanique des interfaces collées. La conservation maximale de la couche amélaire garantit une forte adhésion. Les concepts de préparations doivent intégrer le projet morphofonctionnel a n de respecter au maximum les tissus durs restant, tout en ménageant la place requise par les matériaux cosmétiques. L’utilisation de guide de préparation est indispensable et elle nous permet de garantir la abilité et la reproductibilité de nos procédures opératoires.
Ainsi, tout comme les inlays/onlays en or en comparaison aux couronnes traditionnelles représente le « gold standard » des restaurations postérieures, les RAC se présentent aujourd’hui comme l’alternative de choix dans le secteur antérieur en comparaison de restaurations céramocéramiques (RCC), trop délabrantes ou d’obturations composites trop volumineuses. Le taux de succès élevé dans les différentes études cliniques doit conforter le praticien à recourir plus fréquemment à ce type de thérapeutique (11, 28).

ABSTRACT
ANTERIOR CERAMICS: PRINCIPLES OF PARTIAL RESTORATIONS FOR CERAMIC ADHESIVE RESTORATIONS
The fabrication of ceramic adhesive restorations is fully based upon the concepts
of modern adhesive dentistry whose primary objective is the conservation of tissue and the imitation of biological behavior. The type of preparation is based on nine fundamental biomechanical, esthetic and biological principles, which represent the keys to creating the contours and shapes which are most adapted to each clinical situation. The longevity of these treatments is subject to an understanding of the biomechanical properties of the bonded interfaces and to a strict respect for operative protocols governing preparation and assembly. The maximal preservation of the enamel layer is, in all cases, a guarantee of strong adhesion. The use of a preparation guide is indispensable and allows the operator to guarantee the viability and the reproducibility of clinical procedures.

RESUMEN
CERAMICAS ANTERIORES: PRINCIPIOS DE PREPARACIONES PARCIALES PARA RESTAURACIONES ADHESIVAS CERAMICAS
La realización de las Restauraciones Adhesivas Cerámicas se sitúa de lleno en el concepto de dentistería adhesiva moderna, cuyo primer objetivo es la preservación tisular y el biomimetismo. La tipología de las preparaciones se basa en nueve principios fundamentales, biomecánicos, estéticos y biológicos que representan las claves para concebir las formas de contorno más adaptadas a cada situación clínica. La perennidad de estos tratamientos depende del conocimiento de la biomecánica de las interfaces pegadas y del estricto respeto de los protocolos operatorios de preparación y de ensamblaje. La conservación máxima de la capa amelar es en todos los casos una garantía de fuerte adhesión. El uso de una guía de preparación es indispensable y permite garantizar la abilidad y la reproductibilidad de los procedimientos clínicos.

Spécialisé en Implantologie, prothèse implantaire, greffes osseuses et greffes gingivales, le Docteur Patrice Margossian est installé comme Chirurgien dentiste à Marseille, sur l’avenue du Prado.

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