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Pédagogie clinique et aide à la décision thérapeutique

G. MAILLE, G. LABORDE, M. DODDS, A. DEVICTOR, A. SETTE, P. MARGOSSIAN, M. LAURENT
Stratégie prothétique mai-juin 2014 vol 14, n° 3

Quels sont les nouveaux enseignements sur la prise de décision thérapeutique ? Comment les adapter dans le domaine de la prothèse fixée ?

Dans le cadre de la réforme des études en Odontologie, de nouveaux enseignements à propos de « la prise de décision thérapeutique » sont à mettre en place pour les étudiants de O4 (O4 = quatrième année des études odontologiques). Le but de cet article est de proposer une nouvelle forme d’enseignement pour répondre à cette exigence que nous mettons en place à l’UFR de Marseille.

LA PÉDAGOGIE CLINIQUE DANS LES ÉTUDES DE SANTE

La pédagogie utilise des approches d’enseignement et/ou d’apprentissage, diverses et variées. Chaque domaine d’enseignement possède une spécificité et un savoir-faire basé sur des outils pédagogiques privilégiés, sélectionnés et très usités, par exemple :
– Travaux Pratiques (TP), Travaux Dirigés (TD) et Cours Magistraux (CM) dans l’enseignement traditionnel;
– Apprentissages par Problèmes (APR) ou par projet (APP) dans un enseignement plus moderne.
Dans le domaine de la santé, après les gammes de l’apprentissage (TP, TD, CM) la pédagogie clinique est faite avec la prise en charge progressive de patients, des protocoles de soins, et une aide à la thérapeutique souvent construite autour d’arbres décisionnels.
Pourtant, cette forme de pédagogie paraît insuffisante, au vu du petit nombre de patients pris en charge et au manque de démonstrations et d’illustrations cliniques. Mieux qu’un arbre décisionnel, la simulation de situations cliniques par des schématisations et des images cliniques est une aide visuelle précieuse à l’apprentissage de la décision thérapeutique. Il s’agit de présenter une situation clinique idéale et de la comparer à diverses autres problématiques impliquant de nombreux protocoles cliniques pour amener l’apprenant à proposer la solution thérapeutique avec le meilleur rapport bénéfice/coût/sécurité, ou le caractère le moins invasif sur le plan thérapeutique.

PROPOSITION D’UNE NOUVELLE FORME D’ENSEIGNEMENT D’AIDE A LA DECISION THÉRAPEUTIQUE POUR LA PÉDAGOGIE CLINIQUE

Pour illustrer notre propos, nous avons choisi une problématique clinique dont les solutions sont multidisciplinaires et nécessite la prise en compte du rapport du coût/ bénéfice/risque et la connaissance parfaite de divers protocoles cliniques. Il s’agit de trouver une solution clinique appropriée dans le but de rétablir une harmonie plaisante autour d’une incisive centrale maxillaire selon une alternative :
• soit l’incisive centrale maxillaire présente des proportions agréables mais son contexte environnant n’est pas harmonieux (fig. 1),
• soit le contexte environnant et les proportions dentaires agréables sont à corriger afin d’obtenir une harmonie plaisante dans le sourire (fig. 2).
• Le cas n° 0 illustre la situation de référence où l’incisive centrale possède des proportions dentaires respectées et agréables. Son bord libre est dans une position adéquate avec une exposition harmonieuse, du repos au sourire forcé.
• Le cas n° 1 correspond à une sous-exposition du bord libre de l’incisive centrale en position de repos de la lèvre supérieure. La correction du défaut esthétique est solutionnée par une égression orthodontique avec une force douce et continue qui entraîne la dent et le parodonte en position coronaire.
• Le cas n° 2 correspond à une surexposition du bord libre de l’incisive centrale. La correction du défaut esthétique est solutionnée par une ingression orthodontique qui entraîne la dent et le parodonte en position apicale. Le fait de déterminer la position idéale du bord libre grâce à la dynamique des lèvres, du repos au sourire forcé, permet de choisir le moyen le plus adapté pour y parvenir. Le recours à une thérapeutique prothétique n’a pas lieu d’être, sauf si un délabrement coronaire important ne peut être restauré durablement.

Ce type de problématique devient plus complexe dans un contexte où les dents sont courtes pour des raisons diverses (perte de substance dentaire, fracture, attrition, abrasion, bruxisme, éruption passive incomplète, etc.).
Suite à la planification du projet thérapeutique à partir de la situation de référence du bord libre de l’incisive centrale (cas n° 0, fig. 2) le choix des thérapeutiques est considérablement facilité pour les situations à corriger.

• Cas n°1’ le bord libre n’est pas visible au repos mais le contour osseux et gingival vestibulaire est bien positionné. Le choix thérapeutique présente une alternative restauratrice :
• la réalisation d’une Restauration Adhésive Céramique (RAC) partielle est envisagée en l’absence d’autre délabrement,
• la réalisation d’une Restauration Céramo-Céramique périphérique (RCC) est envisagée pour un délabrement très important. La dépulpation de la dent devient nécessaire.

• Cas n°2’ : le bord libre est bien positionné, la couronne clinique est trop courte et l’exposition gingivale trop importante. Le choix thérapeutique présente aussi une alternative pour augmenter la hauteur de la couronne clinique :
• la dent est ingressée par orthodontie pour repositionner le contour osseux et gingival dans la situation de référence cas n° 1’. La restauration de la dent répond à l’alternative prothétique du cas n° 1’,
• une élongation coronaire chirurgicale corrige par soustraction le niveau osseux pour repositionner le contour osseux et gingival dans la situation du cas n° 1’. Du point de vue prothétique, le diamètre de pilier est plus réduit et le rapport couronne racine plus défavorable. Le choix thérapeutique est représenté par l’alternative restauratrice du cas n° 1’.
Cependant, il entraine une résection osseuse chirurgicale avec ses difficultés dans le secteur antérieur et une préparation dentaire périphérique très mutilante. Une RAC est contre-indiquée, seule une RCC ou une Restauration Céramo-Métalique sont autorisées.

• Cas n° 3’ : le bord libre n’est pas visible et la dent est en infraposition. Cette situation nécessite une égression orthodontique accompagnée du parodonte afin de repositionner le contour osseux et gingival dans la situation du cas n° 1’. La restauration de la dent répond à l’alternative prothétique du cas n° 1’.

• Cas n° 4’ : le bord libre est trop visible, le collet trop coronaire avec surexposition dans le sourire. Un repositionnement apical de la dent accompagné du parodonte marginal et la correction de la surexposition du bord libre sont nécessaires. Le repositionnement du parodonte marginal répond à l’alternative orthodontique ou chirurgicale du cas n° 2’. L’exposition souhaitée du bord libre est résolue par l’alternative prothétique du cas n° 1’.

CONCLUSION

Cette nouvelle approche pédagogique clinique doit être développée. Sa mise en place est prometteuse et très appréciée au travers des nouveaux enseignements en travaux dirigés obligatoires dispensés en O4 sur la « prise de décision thérapeutique »

Le Dr Patrice Margossian, Chirurgien dentiste installé à Marseille, est spécialisé en Implantologie dentaire, greffes osseuses, greffes sinusiennes et greffes gingivales

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